lundi 16 janvier 2012

Marxisme : quelques lectures critiques...

[Le Cri Du Dodo vous propose plusieurs lectures critiques du marxisme.
Nous voudrions revenir à ce propos sur une ambigüité : c'est précisément parce que nous sommes anarchistes ET communistes que nous voyons comme urgente la critique des marxistes (et de tout les autoritaires) et de leurs idéologies (léninisme, stalinisme, maoisme, guévarisme, etc...) qui en s'appropriant le terme de "communisme" l'ont galvodé plus terriblement que toutes les critiques qui ont pu lui être adressées. Par ce type de contributions, nous nous démarquons absolument de tout ceux ou celles qui continuent d'entretenir le mythe de ce "socialisme de caserne" en rappelant pour nous l'importance de l'autonomie individuelle ET collective, de la nécessaire critique des institutions bourgeoises (de toutes les institutions) et de l'Etat, de la reproduction des hiérarchies et de tout les schémas d'oppression au sein même des mouvements révolutionnaires, etc... Les lectures qui ne sont pas téléchargeables gratuitement sont auto-réductibles dans les points de vente habituels.]

- "Le mythe bolchevik" d'Alexander Berkmann, aux éditions La Digitale.

En 1919, les Etats-Unis expulsent des opposants : socialistes, anarchistes, syndicalistes "radicaux".

Alexandre Berkman, Emma Goldman ainsi que d’autres Américains sont déportés vers la Russie soviétique. Ils arrivent à Pétrograd en pleine guerre civile et perçoivent rapidement l’envers du paradis dont ils rêvaient : la révolte s’autodévore, la Tchéka agit en maître. La bureaucratie s’installe. Berkman se veut conciliant, mais l’arbitraire l’éreinte. Le Mythe bolchévik est aussi un récit de voyage dans la Russie des années 20 en Ukraine, Serbie, Carélie et en Géorgie, Berkman rencontre des dirigeants bolcheviks, des socialistes-révoutionnaires de gauche, des anarchistes mais aussi le peuple russe des villes et des campagnes.

Ce témoignage exceptionnel trace un tableau inédit de la Russie à l’aube de la révolte de Kronstadt en 1921, dont il défend la cause face aux Bolcheiks.

Ce livre totalement ignoré nous fait comprendre l’impasse du léninisme, dès 1922, par une rare clairvoyance politique, Berkman prévoit et argumente la dérive totalitaire et le véritable visage de ce que sera "La Patrie des Travailleurs".


- "L'idéologie froide : essai sur le dépérissement du marxisme",
de Kostas Papaïoannou, réédité par l'Encyclopédie Des Nuisances, aux éditions Ivréa.

Deux citations :

" Si la pensée est "fileuse de mémoire", comme Platon nous l'a enseigné, ce travail est plus que justifié en ce temps guetté par l'amnésie. Si par surcroît la jeune génération y trouve quelques raisons supplémentaires d'accueillir avec des ricanements redoublés la vaine rhétorique des mystificateurs à peine démystifiés, et d'oser se chercher elle-même à l'extrême pointe de son nécessaire et salutaire scepticisme, il aura accompli tous mes voeux et je ne saurais rien lui souhaiter de meilleur. "

[...]

"L'homme total dont rêvait Marx, l'homme épanoui dans "tous" les domaines, était censé loger à l'intérieur du Parti omniscient et infaillible qui se réservait le monopole de l'éducation du peuple : le Parti serait la personnification de la perfection de "l'espèce humaine". En fait, il était la réalisation de ce type idéal de censeur prussien que le jeune Marx avait couvert de ses sarcasmes : «Vous nous demandez de pratiquer la modestie, mais vous avez l'outrecuidance de transformer certains serviteurs de l'Etat en espions du coeur, en gens omniscients, en philosophes, théologiens, politiques, en oracles de Delphes... La véritable outrecuidance consiste à attribuer à certains individus la perfection de l'espèce. Vous croyez que vos institutions d'Etat sont assez puissantes pour changer un faible mortel, un fonctionnaire, en saint, et lui rendre possible l'impossible.»"

"Le problème du changement social dans la société technologique",
d'Herbert Marcuse. Aux éditions Homnisphères.

Même si son auteur est historiquement rattaché au marxisme, il inaugure à l'époque une critique radicale du marxisme d'un point de vue communiste hétérodoxe en convocant notamment (dans cet ouvrage) certaines théories anarchistes, et en critiquant la société industrielle que le marxisme appliqué n'a fait que consacrer.

En abordant de manière radicale de nouveaux thèmes comme celui de l'écologie ou de la surveillance généralisée dans une société dominée par la technologie, il ouvre ainsi une double analyse critique du capitalisme occidental et du "capitalisme d'Etat" (notamment dans ses ouvrages "Marxisme soviétique" et "L'homme Unidimensionnel" ) dans une perspective qui rejoint sous beaucoup d'aspects la critique anti-autoritaire.





"Ecoute Camarade!", de Murray Bookchin.
En format brochure aux éditions Tatanka (librement téléchargeable ici)

En 1969, Bookchin livre dans ce texte une critique en règle du marxisme et du communisme autoritaire notamment adressée aux étudiant-e-s de l'époque mais toujours d'actualité. En vrac y sont démontés : le mythe du prolétariat (en tant que fétiche théorique et classe industrielle au rôle mythifié), le mythe du Parti (comme organisation autoritaire aux aspects religieux), l'éthique du travail (comme idéologie bourgeoise de la soumission au travail) et la société industrielle (dite "théorie post-pénurielle" qui amène aussi la question de l'écologie dans une perspective radicale à une époque où la question est absente). Un an plus tard, Bookchin publie, en 1970, en réponse à ses détracteurs marxistes à propos de ce même texte "Commentaires à propos de -Ecoute, Camarade!- " (titre original "Discussion on -Listen Marxist!") qui l'accusent notamment d'avoir une approche "a-historique" et sans "analyse de classe".

Extrait :

« Cette recherche de la sécurité dans le passé, ces efforts pour trouver refuge dans un dogme figé une fois pour toutes et dans une hiérarchie organisationnelle installée, tous ces substituts à une pensée et à une pratique créatrices, démontrent amèrement combien les révolutionnaires sont peu capables de « transformer eux-mêmes et la nature », et encore moins de transformer la société tout entière. Le profond conservatisme des « révolutionnaires » [...] est d’une évidence douloureuse : le parti autoritaire remplace la famille autoritaire ; le leader et la hiérarchie autoritaires remplacent le patriarche et la bureaucratie universitaire ; la discipline exigée par le mouvement remplace celle de la société bourgeoise ; le code autoritaire d’obéissance politique remplace l’État ; le credo de la « moralité prolétarienne » remplace les mœurs du puritanisme et l’éthique du travail. L’ancienne substance de la société d’exploitation reparaît sous une apparence nouvelle, drapée dans le drapeau rouge, décorée du portrait de Mao (ou de Castro ou de Che) et dans le petit livre rouge et autres litanies sacrées. »

- "Le marxisme, dernier refuge de la bourgeoisie", par Paul Mattick,
aux éditions Entremondes.

Essai traduit de l’anglais (États-Unis) par Daniel Saint-James

Œuvre posthume de Paul Mattick (1904-1981), Marxisme, dernier refuge de la bourgeoisie ? fut la dernière expression de toute une vie de réflexion sur la société capitaliste et l’opposition révolutionnaire. Connu surtout comme théoricien des crises économiques et partisan des conseils ouvriers, Paul Mattick fut aussi un acteur engagé dans les événements révolutionnaires qui secouèrent l’Europe et les organisations du mouvement ouvrier au cours de la première moitié du XXe siècle. À l’âge de 14 ans, il adhéra à l’organisation de jeunesse du mouvement spartakiste. Élu au conseil ouvrier des apprentis chez Siemens, Paul Mattick participa à la Révolution allemande. Arrêté à plusieurs reprises, il manque d’être exécuté deux fois. Installé à Cologne à partir de 1923, il se lie avec les dadaïstes. En 1926 il décide d’émigrer aux États-Unis. L’ouvrage présent est organisé autour de deux grands thèmes. Poursuivant son travail de critique de l’économie capitaliste contemporaine (Marx et Keynes, les limites de l’économie mixte, Gallimard, rééd. 2011), Paul Mattick revient sur les contradictions inhérentes au mode de production capitaliste. S’ensuit un réquisitoire contre l’intégration du mouvement ouvrier qui, en adoptant les principes de la politique bourgeoise, a abandonné définitivement toute possibilité de dépassement du capitalisme. Un texte éclairant pour une période où la crise dévoile la nature instable et socialement dangereuse du capitalisme.

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