lundi 9 mai 2011

Qu'est-ce qu'un dispositif (suite 2)

Florilège de quelques dispositifs
rudimentaires dans la vie quotidienne...


Numéro 2 -
"Vous avez demandé la police ? Ne quittez pas"


« Qui se laisse prendre dans le dispositif "téléphone portable", et quelle que soit l'intensité du désir qui l'y a poussé, n'acquiert pas une nouvelle subjectivité, mais seulement un numéro au moyen duquel il pourra, éventuellement, être contrôlé.»
Giorgio Agamben

Autre dispositif redoutable, et souvent insoupçonné :
Le téléphone portable. Avec les séries télévisées et autres films policiers, chacun-e sait aujourd'hui qu'un récepteur de type scanner (dont l'utilisation est illégale, mais le matériel en vente libre) permet l'écoute téléphonique des conversations sur n'importe quel téléphone portable. D'autres technologies se sont depuis développées significativement. Ce type matériel est évidemment en dotation de tout les services de police (qui nécessité théoriquement une autorisation de la préfecture, mais ce n'est pas toujours le cas – l'affaire de Tarnac et ses « écoutes téléphoniques et poses de micro illégales » dans des appartements l'ont prouvé-), a transformé l'écoute téléphonique en un fait assez commun et généralisé de la panoplie du flic. Ce sont en réalité les opérateurs téléphoniques qui sur demande de la police, permettent l'écoute des conversations. Ce que la plupart des gens savent moins, c'est qu'avec un matériel tout à fait rudimentaire, on peut suivre un téléphone portable à la trace, même éteint, et qu'on peut localiser n'importe qui en possédant un à quelque mètres près. Pourquoi ? Parce que c'est la puce qui envoie et reçoit toutes les informations électriques et électroniques et laisse ainsi des « empruntes » magnétiques sur chaque antenne relais devant laquelle elle passe. Conséquence ? Avec l'équipement adéquat, on peut facilement déclencher un faux appel téléphonique à distance, et/ou ouvrir la ligne pour écouter ce qui se passe et l'utiliser comme un micro. En bref, chaque téléphone portable est un mouchard potentiel. Si on décide de vous suivre via ce biais, on peut écouter ce qui se passe autour de vous et connaître votre position en temps réel. La police utilise de plus en plus cette technique de localisation pour retrouver ce qu'elle appelle les « bandes constituées » suspectées dans telle ou telle affaire. En plus clair des individus qui se déplacent en groupe -comme une large majorité de la population dans les grandes villes- et que la police suspecte de quelque chose. A titre indicatif, et rien que pour les seules écoutes, les « services des obligations légales » de certains opérateurs se retrouvent en moyenne avec 8000 requêtes policières en attente par jour. Les SMS peuvent être transcrits et envoyés à la police, même en cas de suspicion mineure. Enfin, les écoutes téléphoniques ont été facilitées par la loi du 23 janvier 2006 relative à « la lutte contre le terrorisme », et plus particulièrement l'article 6. Elles ne requièrent plus depuis, l'autorisation d'un magistrat.

Outre l'aspect sécuritaire évident une fois ce constat fait, ce qui frappe dans le marché des téléphones portable, c'est son expansion vertigineuse. Le nombre d'utilisateurs de téléphones portables dans le monde est estimé à plus de 5 milliards et 65 millions en France. Le marché du téléphone portable représente un véritable empire capitaliste pour les constructeurs comme pour les opérateurs (certaines entreprises assurant parfois les deux phases de production). Entre la nouvelle "Clé G3", les "i-phones" ou encore le "blackberry", de plus en plus régulièrement, une nouvelle gamme rentre sur le marché avec plus "d'options", et de plus en plus souvent : "on" change de téléphone portable. Ce qui signifie que l'ancien est souvent cassé, abandonné ou jeté. Les matières utilisées sont de plus en plus complexes et toxiques et donc polluantes. A chaque changement d'abandonnement, c'est aussi la puce qui est jetée. Et comme elle ne disparait pas dans les limbes, c'est en moyenne pour une puce de 2 grammes 1,7 kg d’énergie fossile, 1 m3 d’azote, 72 g de produits chimiques et 32 l. d’eau qui sont nécessaires à sa fabrication qui seront encore gaspillés.

En outre, la pollution électromagnétique, véritable nuisance des temps modernes, devient de plus en plus dangereuse pour la santé à mesure que les téléphones portables (mais aussi les immenses antennes relais) sont de plus en plus puissants et surtout de plus en plus nombreux. De plus en plus d'organisations de santé accusent les effets des rayonnements électromagnétiques des portables, jusqu'à l'OMS dans plusieurs de ses rapports (qu'on ne peut pourtant pas taxer d'écologisme radical étant donné ses silences complices concernant le nucléaire et ses partenariats avec des lobbys tels que l'AIEA), et notamment l’augmentation de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique, et l’expression des protéines de stress dans les cellules.

Ce qui signifie que les ondes peuvent provoquer la rupture de brins d'ADN d'êtres humains ou d'animaux, et vont même jusqu'à perturber la synthèse de certaines protéines du cerveau (étude Reflex financée par l'union européenne). L'effet est en fait le même que celui d'un micro-onde, même si l'exposition est évidemment plus longue, et que c’est le centre névralgique du corps humain qui subit un échauffement. D'où le lien avec l'augmentation des risques de développement de tumeurs cancéreuses :

"Si l’on téléphone régulièrement et pendant de longues périodes il n’est pas impossible que l’effet thermique finisse par léser l’ADN cellulaire et provoquer des tumeurs cancéreuses"
(Science et Vie Avril 1999)

Enfin, outre l'aspect strictement clinique et physiologique, un autre aspect, plus culturel et social, est le processus dans lequel s'engage une sociabilité en grande partie régie par une communication à distance, qui tend à être toujours plus médiatisée. Si une augmentation du stress et une multiplication des déprimes chez les accrocs du portable est souvent constatée, c'est sans doutes parce qu'un tel dispositif participe à éloigner un peu plus les gens les un-e-s des autres, en les isolant, en les enfermant dans un petit monde artificiel fait de milliers de sms, de mms, d'appels compulsifs illimités jours et nuits, d'accès internet et de "statuts sur réseaux sociaux virtuels" (où on décrit ses états d'âme où ce qu'on est entrain de faire en quelques mots) et d'une solitude souvent de plus en plus profonde et d'autant plus vicieuse qu'elle prend l'apparence d'une sociabilité de façade.

Loin de se faire dans le plus grand des secrets, loin d'être un "complot", la mise en place d'un tel dispositif (comme bien d'autres) se fait avec le consentement, ou plus simplement l'adhésion passive, -via la publicité et d'autres propagandes- de ses "sujets" : utilisateurs-consommateurs.

Si le dispositif est une machine à produire de la "désubjectivation" (c'est à dire défaire et remodeler des sujets, des "types" d'êtres humains et de sociabilités humaines, notamment en modifiant leurs comportements et leurs habitudes) alors le portable est le dispositif par excellence. Par lui, on dispose d'un individu, on le suit à la trace, on l'expose à n'importe quel risque sanitaire tout en l'en informant cyniquement, on peut l'épier et écouter ses conversation, on modèle ses relations sociales et la forme qu'elles prennent, et enfin, on le réduit à un numéro.

Le Cri Du Dodo

Quelques lectures sur le sujet :

- "Le téléphone portable, gadget de destruction massive"
par Pièces et mains d'oeuvres.

- "Qu'est-ce qu'un dispositif" de Giorgio Agamben, chapitres 8 et 9 notamment (extrait).

- A titre indicatif : "les effets du téléphone mobile sur la santé" par un site pour "professionnels de la santé".

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